Massîs djônes
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Je sais bien qu'y en a qui vont encore ram'ter parce que je vais encore parler de la guerre. Mais, je n'en peux rien moi, si une partie de mon enfance s'a déroulé sous l'occupation de la Belgique par les fridolins. Bin oui hein, on me demande de raconter des histoires de quand j'étais gamin pour pouvoir les mettre dans la tête de ceux d'aujourd'hui. Pour cela, il me faut bien emmancher un décor pour que cela soit plus vrai.

Pour commencer, on a tout d'abord été libéré par les binamés soldats américains. Bon diu il  fallait les voir, installés sur leurs tanks, leurs camions et leurs jeeps. Ils nous jetaient à nous autres des chiquelettes, du chocolat et des cigarettes. Même cela nous a donné envie de pafter. Vous vous rendez compte à 10 ans ! Mais on l'a payé cher savez-vous parce que mes camarades et moi on a été tous malades comme des chiens au point de renarder partout et de faire dans sa culotte.Ma mère croyait que j'avais une indigestion parce que j'avais mangé trop de chocolat…

Militaire américain de la compagnie Messenger
Militaire de la compagnie Messeger

Après avoir pité les allemands à l'ouf de nosse bonne ville, les américains se sont installés chez nous autres comme chez eux.

Mais, trois mois après la libération, ne voilà t'il pas que les massis allemands décident de se venger sur nous autres et les américains parce qu'il paraît que Liège est un centre névralgique. Du coup ils nous envoient des bombes volantes sur nos cabus. Les gens de par ici appelaient ces bombes : des robots. Pourquoi donc ? Bin parce que c'étaient des bombes qui ressemblaient à de petits avions avec de petites ailes et une buse de poêle sur le derrière qui crachait du feu tout en pétaradant. En plus, il n'y avait pas de pilote. Quand il était au-dessus de nos têtes et que le feu se distindait dans la buse il était grand temps de se sauver pour aller se cacher car il tombait n'importe où et provoquait une belle pawe dans la population et même chez les américains. C'est pourquoi chez nous autres on pensait qu'il s'agissait d'une machine infernale. On disait donc que c'était un robot pour pouvoir mettre un nom sur quelque chose de drôle. Ce n'est pas comme les robots de maintenant, vous savez bien ceusses qui font des expériences, qui font de la cuisine, qui vont sur la lune et sur mars ou bien qui se transforment en belles voitures comme on voit dans la pub à la tv.

Comme il tombait beaucoup de robots et que cela pètait dans tous les coins de la ville, les braves gens comme nous autres décidèrent de vivre dans les caves des maisons. Ce qui fait que chez nous autres on a du mettre des stançons pour soutenir le plafond de la cave, creuser un trou dans le mur du voisin pour pouvoir se sauver par là au cas ou la maison serait sinistrée. Pour se chauffer on a installé une stoûve ou bien une petite cwizinière avec une buse cheminée qui sort par le trou du soupirail. Bref, la cave est équipée pour y vivre quelque temps  les uns sur les autres.

Non content de nous envoyer des robots ne voilà t'il pas que le sot Hitler, le chef des allemands, décide d'attaquer nos binamés américains en revenant dans les Ardennes avec des troupes de chocs. Tu comprends bien chers lecteurs que nous autres on n'en menait pas large. C'était la panique dans toute la ville. Le mot de tout le monde était : et si jamais les allemands revenaient ! C'était pas pour du rire savez-vous ! Oufti quéne afère à Lîdge !

Voilà, maintenant que le décor est planté je peux vous raconter mes carabistouilles par la voix de ma mèmère Guerite.

« Mon diu, Bertine qu'est ce qui vous arrive donc là ? Vous avez l'air d'être toute hors de vous. Vous êtes toute blanche comme une maquée du plateau de Herve. Taisez-vous allez Marguerite, je viens d'avoir la pawe de ma vie. Comment donc çà la pawe de votre vie ? Bin oui hein ! Comme tous les après-midi, j'étais entrain de tricoter une chaude écharpe avec des restes de laines de toutes les couleurs que j'avais retrouvés en trifouillant dans mes ridans.Pèpère était dans son fauteuil bien au chaud à côté de la petite stoûve qui ronronnait en brûlant ses gayettes de charbon. Il était endormi et il ronflait comme un soufflet de forge, sa grosse pipe djacob éteinte qui pendait au bout de sa main droite. I l faisait bien bon dans notre petite cave. On avait un peu de la tranquillité devant soi avant une prochaine alerte de robot. Quand tout d'un coup, ne voilà t'il pas que j'entends comme un bruit d'eau dans la buse de la stoûve. Le temps d'essayer de comprendre quelque chose, voilà de la vapeur qui sort de la stoûve, répandant une pufkène comme ce n'est pas possipe. A tel point que pèpère qui a connu les tranchées en 14/18 s'a réveillé en criant « aux gaz » Moi, j'ai pris mes jambes à mon derrière et je suis remonté comme une balle hors de la cave. Je suis sortie sur le devant de la maison et j'ai vu 3 petits crapuleux qui se sauvaient en rigolant. Eh bien, Marguerite,sais-tu bien ce qu'ils avaient fait ces chenapans ? A chacun leur tour ils avaient fait pipi dans la buse de la stoûve qui dépassait du trou du soupirail. Tu te rends compte, Marguerite, c'est pas des choses à faire par le temps qui court. »

«  Eh bien moi Bertine, il faut que je te raconte aussi une affaire qui est arrivée à Fifine, tu sais bien, celle qui vend du lècê à la djusse avec sa petite charrette à bras. Elle avait fini sa tournée et, rentrée chez elle, elle était entrain de réchauffer un peu de corned-beef  dans un pèlète placée sur les plaques de sa petite cwizinère au charbon. Vois-tu, c'est par sa fille qui fait avec un américain, qu'elle a toutes sortes de bonnes choses à manger. Donc dis-je moi, elle était là à tourner dans sa pèlète quand tout à-coup elle entend comme un crépitement dans la buse de la cwizinière. Elle se dit, qu'est ce que c'est que pour une affaire. A ce moment, on parlait beaucoup de soldats allemands déguisés en américains qui semaient la zizanie tout partout. Fifine se dit ? Est-ce que ce n'est pas ces déguisés qui jettent des affaires dans les buses pour nous faire mourir. Fifine mwète de sogne, se sauve et sort de la cave comme un cacafougna hors de sa boîte. Devant chez elle, elle regarde à gauche et à droite et voit au loin 3 gamins qui se sauvent en riant. Eh bien Bertine, savez-vous bien ce qu'ils avaient fait ces petits vauriens. Ils avaient laissé tomber des cric-cracs , vous savez bien ces petits pétards collés sur une bande de papier, dans la buse de la cwizinière. Franchement Bertine, ce ne sont pas des choses à faire n'est-ce pas ! De note temps on ne se permettait pas à faire sogne aux braves personnes. Quéne époque, quéne djonèsse. Allez, bone nut'Bertine è dwermé bin ! »

Jean de la Marck